
Texte de Florian Gaité
à propos de la pièce Cataracte n°3, communiqué de presse de l'exposition Bad At Sports.
L’esthétique tout en souplesse dans le travail de Coline Cuni fait elle aussi coïncider le fléchissement des corps et le relâchement de la perception. La sculpture Cataracte n°3 croise les imaginaires de la chute (du latin cataracta : « la chute d’eau ») et de la pathologie dégénérescente (la maladie est associée au vieillissement), offrant l'image d'une indolence matérielle aussi nonchalante que défaitiste.
Texte d'Alexendra Fau
Paru dans le catalogue de la 11e Biennale de la Jeune Création, Houilles. 2016

Coline Cuni crée un répertoire de formes à destinations multiples. Dans son théâtre d’objets, elle invente mille et uns scenarii ; les imagine former une ronde, dialoguer entre eux, être tantôt inertes, tantôt activés, supports de pensées ou simples éléments du dispositif scénique. L’estrade, elle-même amovible, rend tout si incertain, si instable. Les formes glissent, s’effondrent, sortent du cadre comme dans Cataracte n°3. Et pourtant sous cette apparente nonchalance, chaque chose est à sa juste place. Coline Cuni pense en termes de couleur, de lignes et de masses. Une poulie (Potence, 2012) retient un sac prêt à écraser une sculpture essoufflée posée sur un socle en béton. Sa sculpture monstrueuse de l’exposition des Diplômés de l’ENSBA s’apparente à une forme vorace qui emmagasine les déchets tandis que « la surface est physiquement impactée par les agglomérats de couleurs ». L’univers sculptural de Coline Cuni a cette tonalité doucereuse du pastel venu estomper les maladresses gestuelles et la pauvreté des matériaux mis en œuvre (Tout nu dans son bain, 2015). Là encore, chaque choix est mûrement réfléchi. L’artiste dessine patiemment puis expérimente avant de repérer ou récupérer le bon matériau. Coline Cuni sculpte avec une sensibilité de peintre. Elle cherche le « bon jus », le terme n’est pas sans rappeler les peintures de Gasiorowski– à mélanger à sa pâte. Et après, que faire ? Il n’est plus ici question de « suicide pictural » comme au début des années 70. Coline Cuni se réfugie dans la trahison de l’objet. Elle l’affaiblit pour mieux le décrypter (Rien à l’horizon). A la Graineterie de Houilles, l’artiste présente une variante de (Ce qui est tout bonnement impossible), une installation modulable et évolutive qui oscille entre sculpture, performance, peinture et mise en scène. Sur scène, elle égraine les systèmes de présentations (tentures, fenêtres) et de représentations comme ultime manifestation picturale (Manifestation, 2013).

Par Camille Paulhan
Diplômés 2013 Catalogue, Beaux Arts de Paris éditions, 2013.
Le travail de Coline Cuni pourrait bien inaugurer une nouvelle appellation artistique, une forme de pirouette quant au sérieux des «-ismes » : un minimalisme sensible. Compris dans ses deux acceptions, tourné vers les sens comme vers les émotions, l’adjectif est sans doute le plus complet pour décrire les sculptures de l’artiste. Les angles vifs sont adoucis par la cire, ramollis par la mousse, assouplis par des tissus.
La pensée de l’artiste est caractérisée par un certain humanisme accordé à des matériaux perçus comme des éléments vivants qu’il faut réussir à faire cohabiter, après les avoir confrontés dans le cadre expérimental de l’atelier : chaque élément est distingué de l’autre par ses qualités propres, parfois déconcertantes. Que la mousse puisse moisir ou se décolorer, que la bâche plastique puisse tomber délicatement sur le sol fait partie de cette attention portée aux outils mêmes de l’art, qui ne sont pas manipulés d’un point de vue utilitaire mais véritablement appréhendés dans toute leur complexité sensible. Mollesse comme dureté, lourdeur comme légèreté s’organisent avec générosité dans des œuvres non excluantes.
Il est aussi question de surprendre le spectateur, en le plaçant physiquement devant des matériaux qui ne sont jamais où on les attend: la céramique se meut en des formes qui semblent mâchées, la mousse paraît dure et le plâtre est poncé de façon à ressembler à du marbre. Mais chaque pièce crée son propre principe d’équivalence, et on ne s’étonnera pas de constater qu’une des formes privilégiées par Coline Cuni s’incarne dans la balance ou le trébuchet : des déséquilibres légers, mais tout se tient.
Par Joel Riff
Chronique curiosité, 2013 semaine 51 - Rideaux.

Coline Cuni
(française née en 1988) présentait un accrochage de pièces récentes pour valider son Dnsap – Diplôme national supérieur d’arts plastiques, qu’elle a depuis obtenu avec les félicitations du jury. Il est rare et excitant de pouvoir s’immiscer au sein d’un prestigieux aboutissement, pour mieux le cueillir à cette charnière périlleuse. La perspective que l’artiste trace est à encourager. Celle-ci accompagne le devenir de matériaux en proie avec la gravité, équilibrant des masses élémentaires dans une permanente obsession en direction du sol, et de l’inévitable attraction qu’il exerce.